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21 avril 2009

J'aurais aimé vous raconter l'histoire qui ne

J'aurais aimé vous raconter l'histoire qui ne m'est pas encore arrivée. Celle dont je ne suis pas le héros – ni même le spectateur. Celle que je vis tous les jours sans même m'en apercevoir. Elle ressemble à cette interminable promenade d'une mouche sur la vitre. Au chant du coucou dans le lointain – tellement prégnant et complètement insaisissable. Comme les nuages qui se bousculent dans un ciel d'airain.
Où donc me conduisent mes pas ? Peut-être dans "le pays où l'on n'arrive jamais" – comme dans un rêve éveillé où nage sans fin le regard étrange et singulier d'une enfant sans nom comme une ombre sans peine – couleur d'océan un soir d'orage – sans autre horizon que la multitude marine de embruns.
Le sens des mots m'indispose – escargot qui fait son chemin baveux tout au long de la page. En fait le mot se suffit à lui-même. Il n'a pas besoin de trace. Il est par lui-même – en toute injustice. Il n'a qu'à être dit pour exister – comme un caillou dans une vitrine – une balle dans la poitrine du jeune soldat. Il frappe à des portes inconnues et inaccessibles – qu'on ne soupçonnait même pas – et jette un trouble délicieux dans le cœur virginal d'une fillette effarouchée et craintive.
Est-ce ainsi que parle le poète ? caché sous l'épais manteau d'un clochard aux abois – derrière les lunettes de la jeune femme que j'ai croisée tout à l'heure – sous le casque du motard pétaradant et enfumé qui m'a salué d'un pied leste sur la route de l'atelier.
Mots du poème. Poème des mots. Langage sacré d'un babouin habité. Ce que je dis un autre l'a déjà dit et le répètera sans fin parce que si le mot est unique, multiple sont ceux qui le prononcent. Suis-je donc la voix des autres ? A la place de qui sais-je parler ce soir ? et qui aurais-je condamné à se taire... ou autorisé à dire...
Car la poésie est bien un langage de plusieurs – un cri de tous – une larme commune – un sourire multiple – un partage permanent avec ceux que je n'ai jamais rencontrés et que je ne verrai plus jamais. Donner à tous et à chacun. Ne rien attendre – sinon d'un autre poète, d'un inconnu qui me rend poète en le devenant – un sourire – un éclat de rire – un bruit de voix – un son de flûte – une éclaboussure – un murmure – un sanglot. Tout est mot. Tout existe. Tout se perd ou plutôt pourrait se perdre si quelqu'un ne le ramassait pas – petit caillou – coquillage – fleur des champs – goutte de rosée – chagrin d'amour – mère absente.
De tels mots sont fous – par leur pouvoir et leur dimension.
Mots à dire. Mots dits. Cris sans fin du prisonnier au fond de son cachot – du fou perdu dans son pavillon – du père qui pleure la mort de son fils – de l'enfant sans père dans un pays sans nom. Tout est dit et tout peut se dire, ce soir à jamais.

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