Lieu

Un point. Un carré. un losange. Un fleur. Une table. Le regard qui cherche un endroit où se poser. Chant d'oiseaux. Aboiement. Le ciel est bleu. Un courant d'air dans les feuilles. Le bruit d'une voix derrière le mur. Des barreaux. Le mur blanc. Le soleil qui recouvre la façade. Un sourire. Blest là, l'ami d'hier, le double enfermé. Le chant des cigales, vacarme d'un soir. Doucement il est revenu à la surface alors que l'eau s'était écartée, prête à engloutir jusqu'au souvenir celui qui lui avait confié sa vie. Eau d'espoir – baptême du soir.
Les bruits montent à la surface. La lumière se retire doucement comme la vague sur la grève. Geste inabouti. Langage sans mot. Regard fixe à l'horizon mordoré de mes illusions.
Dans le lointain une musique s'élève et vient recouvrir ce qui ne s'écrit plus. Mes repères s'estompent dans l'arc-en-ciel du soir. Un son rouge. Une lumière verte. Bleu – blanc – noir – Couleur de terre – Goût de mer – Vent de sable. Doucement coule le Rhône, compagnon d'infortune au crépuscule de la vie. Un enfant est né quelque part. Avec lui un monde nouveau – monde à vivre – à inventer – à goûter. Douce odeur du lait maternel. Réceptacle d'humaine incertitude.
Revoir le monde comme s'il n'avait jamais existé. Le saisir dans sa main. Le goûter avec délice. Dans le lointain une cloche égrène sa douce mélopée – et une mère enveloppe son enfant d'une chaude berceuse. Il n'est plus là celui qui pouvait toucher le ciel de ses doigts d'archange. Prendre son vol à l'aube. Le chant du monde se mélange avec mon secret au temps de l'oubli. Tout s'écrit sans mot et sans bruit. Le dernier soir. Le premier jour. Mots tus – mots non dits – qui n'arrivent pas à se dire, à inventer, à faire naître.
Un jour d'été se termine. Un autre va commencer. Revenir. Renaître. Respirer. Nouveau né. Dernier né. Il est revenu l'espoir d'aller ailleurs. Celui aussi de te retrouver dans une autre dimension – à une autre époque – dans un autre monde. Qui dira jamais ce que peut contenir un regard d'enfant lorsqu'il ouvre les yeux pour la première fois ? Peut-être la même chose que le vieillard qui les ferme...
Matin calme. Bruissement d'aile. Geste inachevé – enchevêtré – esquissé – vers un ailleurs inextricable. Je me perds dans les arcanes de mes rêves. Je me souviens et tout disparaît. Où suis-je ?