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5 juin 2007

macadam

C’est l’histoire de quelqu’un qui m’a raconté qu’il ne pouvait pas supporter que les capsules – bouchons, pièces – soient encastrées, emprisonnées dans le macadam, le goudron, le revêtement de la rue. Son principal travail à ce moment-là était de les libérer, extraire, désensacher – sortir – avec un outil lorsqu’il en avait un, avec ses ongles lorsqu’il n’en avait pas à sa disposition. Il se souvenait même de s’être arraché la peau, les doigts pour les extraire, et de l’angoisse qui le submergeait lorsqu’il n’y parvenait pas.
Bien sûr je lui ai demandé pourquoi. Il m’a alors répondu qu’il n’en savait rien, qu’il fallait seulement qu’il le fasse, qu’il ne pouvait pas s’en empêcher, que c’était devenu une obsession comme une mission sur terre et qu’un jour ça lui avait passé.
Je n’ai jamais pu reparler – ou approfondir cet épisode – avec lui. Et quelques années plus tard j’ai appris qu’on l’avait retrouvé inanimé dans la rue, le crâne défoncé, comme si son destin de malade, de fou, était inscrit dans le goudron de la rue. Je repense alors au symbolisme de l’inscription de cette petite capsule encastrée dans le macadam et qui réclame à celui qui passe sa libération. Le droit, le moyen de s’échapper, de vivre. D’être libre.
Je sais aussi que celui qui m’a raconté cette histoire ne supportait pas d’être enfermé – ou plutôt de ne pas être libre – et qu’en conséquence il avait fait le choix d’exister sans sa famille nombreuse, sans sa fille adorée, sans travail fixe, sans logement pérenne, sans amis, et surtout sans argent. Mais pas sans amour.
En contrepartie il était vraiment sans haine pour l’autre, sans violence – confiant a priori – généreux sans limite, prêt à tout partager et sûrement d’autant plus inadapté et promis à un rôle de fou victimaire.
Ainsi va la vie lorsque la destinée vous cloue au macadam.

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