Janine

Musique des mots. Chant du monde. Comme un oiseau...
Ça coule comme un ruisseau. La fraîcheur. L'ombre. La lumière. Le souffle. Le vent dans les feuilles. Le bruit du soleil qui frappe les tuiles.
C'est alors que m'est revenue l'image, le souvenir d'une rivière brune, au pays des mille collines - qui engloutissait les corps sans jamais les laisser revenir à la surface.
Image de paix - image de guerre. Autre chant du monde. Comme une mélopée. Une plainte infinie. Celle d'une humanité souffrante, celle de mon humanité. Celle de la voix d'une autre.
Est-ce le même chant ? Les mêmes mots - la même vie.
Lorsque je suis arrivé, ils étaient là, ces autres moi-même, ces autres qui me permettent de parler - d'écrire - de dire - de les écouter, de m'écouter - de m'entendre - d'entendre le chant du monde - depuis le gazouillis de l'oiseau au bruit sourd de la serpe qui entame le corps d'un autre.
Il est advenu ce jour de ténèbre - cette nuit d'hiver où roulent des nuages sombres et menaçants.
Où suis-je ? Qui m'habite ? Qui me suit comme une ombre infinie - tel un soleil noir par une chaude journée d'été - sur un sol rougeâtre où éclate le vert de l'herbe et les fleurs amarantes comme des tomates écrasées ou du sang séché.