barque amarrée

Dehors le vent souffle. Le bruissement des feuilles. Comme un air d'ailleurs. Un autre endroit – une autre existence – un autre temps – à contretemps. Époque nouvelle. Homme nouveau.
Le soir étend doucement son voile sur le paysage. Bruit d'eau, murmure de la fontaine. Torpeur d'une chaude journée finissante. Un éclat de voix. Un sifflement joyeux. Tout est suspendu.
Plus rien ne bouge parce que je l'ai décidé. Ce que je n'ai pas dit ne peut exister et réciproquement. Magie du mot. Magie du verbe.
Tout nous échappe. Il existerait ailleurs un monde à l'envers. Derrière le miroir. Dans le miroir lui-même. Reflet de la vie. Image de moi. De toi aussi. Double existentiel à jamais rencontré. Vénus de barrière – femme d'un soir ou du dernier soir.
Image féminine d'un moi oublié  – comme cet éclat rencontré dans le regard d'un chien errant – douceur – élan – appel suppliant.
Projection d'une angoisse toujours ressuscitée. Te reverrai-je un jour ? celle que je n'ai jamais entrevue, sinon dans un éclat lunaire un soir d'été, à la lumière des étoiles.
Il y a peu, je traversais un endroit que je n'avais pas revu depuis quelque temps. Tout était là. Rien n'avait changé et pourtant c'était aussi un endroit nouveau, un endroit à retrouver – d'autant plus que la différence était dans l'ordre du même. Ce même identique que se perd chaque jour ainsi que l'eau du fleuve de nos souvenirs. Quelque chose d'extérieur au fin fond de moi – dans une recherche vaine d'un passé aboli.
Une barque amarrée au poteau que le courant ballotte.