La nuit est tombée – au fil des mots – il ne

La nuit est tombée – au fil des mots – il ne reste plus que le murmure de la ville – quelque part un enfant pleure – sa mère l'entend – son cœur se serre – une sourde inquiétude – Pourquoi ? Que se passe-t-il ?
Etre regardé – Qui va me regarder ? quel regard – pour quel mot ? suis-je seulement regardable ailleurs que comme je crois être – ailleurs que ce que je suis – prison de l'image – enfermement de la croyance – oubli de la foi – croire pour être – être ce que je crois – seulement cela – rien d'autre – ici et maintenant – des mots s'échangent quelque part – et le vent se lève – les nuages se rassemblent – les vagues déferlent sur la plage – soir de tempête...
Arriverai-je un seul jour à réaliser seulement quelque chosse – à croiser un autre regard que mon reflet dans le miroir de mes ans – à rencontrer le regard de mon rêve.
L'humain est partout, sous la forme de tous ceux qui croisent ma route. Il suffit d'accepter le regard et d'entendre les mots. Il suffit de s'asseoir un moment sur la margelle du puits – d'écouter le bruit de l'eau qui coule – le son des cloches dans le lointain.
Etre là – Arrêter un instant d'être ailleurs – Penser à toi – à ton absence – et à ce qui se passera quand tu seras revenu – quand tu auras franchi le Styx – Ô mon Eurydice – Pourquoi t'es-tu enfui ? Sombre destin – soir de ténèbres – Jour de misère – Vallée de larmes.
Les mots de Marylin ne parviennent pas à dire son mal de vivre – la profondeur de sa souffrance – son incapacité à s'aimer – A tel point qu'elle ne pouvait que se proposer au monde entier sans parvenir à exister – Se montrer ne suffit pas, encore faut-il être vu – au moins croire qu'on l'est – savoir que quelqu'un, quelque part, je ne sais où, ni quand, pensera à moi avant de s'endormir.
Repenser la vie – repenser l'avenir – repenser l'homme en lui rendant l'humanité à laquelle il a droit – ce qui le constitue – ce qui le rend chaud – doux – tendu – aimant.
Visage d'un enfant abandonné au bord de la route – enfermé dans un frigo – déguisé – battu – violé – aimé pour soi et non pour lui-même. Qui le nommera ? qui le prendra par la main – qui l'acceptera ? Mots à inventer, à trouver, à retrouver – à croire – ce soir encore – quelque chose m'a échappé – ou plutôt quelqu'un – quelqu'un qui te ressemblait – que j'ai déjà rencontré et à qui j'ai oublié de dire combien il comptait – toute sa valeur, tout ce qu'il était – ce qu'il est. Mot d'un jour – d'un soir – d'une vie.
Mot d'hier et d'aujourd'hui – comme un autre – contre moi – image pieuse au creux d'un vieux missel. Travail sans bruit d'une mouche assoiffée dans un verre sans fond.

Zurbaran