J'y suis arrivé. Il le fallait bien. Encore une

J'y suis arrivé. Il le fallait bien. Encore une fois.
Les mots qui tombent. Les mots sans voix. Dans le soir. 
J'aurais tant voulu. Le corps des mots accrochés les uns aux autres qui se bousculent, s'entrechoquent. Les mots entourloupes. Un corps en forme de lettre ou l'inverse.
Écrire sur un corps – on appelle ça un tatouage – ce peut être aussi un poème – en forme de tatouage – inscription corporelle – en forme de nudité que revêtirait le corps inscrit – comme si par là toute la vie pouvait s'écrire.
Lumière et blancheur. Un homme en blanc. Une voiture blanche. Un point blanc au milieu d'une feuille blanche.
Plus rien d'autre à écrire sauf l'histoire d'une ombre.
Il n'est plus temps de dire quelque chose à quelqu'un d'autre.
Il n'est plus temps de taire ce qui ne peut plus être dit.
Dans le lointain un air de tango et l'esquisse d'un pas de danse – deux corps qui se cherchent sans parvenir à se trouver – des pierres qui roulent sous les pas du pèlerin.
Un corps retrouvé, rassemblé, ressuscité. Un corps nouveau. Habit de lumière. Geste accompli. Pas assuré – vers un nouvel horizon.
Encore une fois, l'inscription recouvre le projet comme une tunique, un manteau, un haillon, en forme de couverture sur le dos d'un gueux aux yeux étincelants.
Eclaboussure d'images. Geste désespéré du voyageur recouvert par les flots tourbillonnants.
Tous ces mots qui se pressent sans parvenir à gagner la surface – ce qui roule et se déroule – s'imbrique et se relève.
N'avoir rien d'autre à dire à soi que de l'autre qui s'emmêle – et redevenir une ombre aux écailles rutilantes sur un corps mutilé à l'intérieur dévasté.
Et tout cela pour ressusciter le troisième jour dans un autre temps, à une autre époque.
Ce soir le vent s'est levé. Quelque chose est né. Quelqu'un est revenu – un nouveau corps avec de nouveaux mots. Retour de soi. Regain d'espoir. Jeu de mots. Renouveau printanier. Je regarde jouer un petit garçon aux yeux bleus qui veut réinventer un monde peuplé de gentils monstres et de musiciens enchanteurs.

Chagall