Je suis venu ici et tu n'étais pas là. Soir
Je suis venu ici et tu n'étais pas là. Soir d'hiver – soir de soir – soir de moi – soir ou matin.
Rien – tout – mélange – archange – ivresse – mort.
Manque – la fontaine – la rivière – le fleuve – la mer.
Écrire pour moi – t'écrire – au gré des flots tumultueux. Dire – ce soir – un autre soir dans un endroit nouveau – étrange – un lieu sans murs – sans limites – sans air.
Air du temps – temps d'ailleurs – temps absent.
Retour – reste – ramener – retrouver.
Je t'ai cherchée partout – la rue sombre – ce que j'attends – d'un coup le jour est parti – la nuit a tout recouvert de son manteau sombre.
Écrire pour exister – tu crois ? non, seulement pour te dire ce soir que je me sens abandonné – privé de présent – privé d'entendre le chant de l'oiseau-lyre à la lumière des étoiles.
Le plaisir d'écrire ! de tracer – dessiner des lettres – des mots, des phrases sans arriver à les accrocher ensemble – sans pouvoir leur donner du sens – se heurter à la feuille et à ses bords comme au mur d'une cellule. Prononcer des mots sans suite pour aboutir à une mélopée sourde – un murmure – un cri de désespoir. Babil d'enfant – râle de vieillard. Entre les deux, ton absence – le manque d'être avec toi. Le manque de ce que je n'ai pas trouvé le temps de vivre. Cette course sans fin derrière l'ombre d'une mort annoncée – ramenée – attendue et oubliée.
Altérité absolue de ces deux entités que sont mort et amour.
Ces deux étrangers habitent dans ma maison – ils me tiennent la main, me bercent doucement au coin de l'âtre.
Ils ne communiquent avec moi qu'à travers l'écriture – les mots d'une chanson – les rimes d'un poème.
Tout glisse – tout vient – tout s'en va. Fin sans fin. Regard vide. Où te caches-tu ? Quand te retrouver ? Quand ? Où ? Comme un filet d'eau entre les doigts – un souvenir au plus profond de mon être – une image sur l'écran de mes nuits – une signature au bas d'un tableau – reste d'existence – début d'un voyage toujours renouvelé, jamais terminé – hors d'atteinte.
Doucement le souffle des mots m'envahit, prenant la place de l'air qui n'arrive plus – du vent qui se tait – des sons qui parcourent la rue – mots absents, mots sans voix – mots tus et pourtant si présents – si tenus – si entendus. Tais tes mots au goût de miel – à la saveur d'encre, salive chuintante – gémissement sourds – orée du bois – course d'une biche à travers un champ, vers le taillis salvateur.
Parler ou se taire – chanter ou gémir – rire ou pleurer – tour à tour – un jour ou l'autre – une autre fois – dans un autre lieu, un autre temps – une romance à Romans.