Plus rien ne bouge. Un crayon s'est posé

Plus rien ne bouge. Un crayon s'est posé doucement sur la feuille. Dehors le vent du soir s'est levé – qui nettoie l'air et mêle les odeurs. Le goût de la cerise éclot dans la bouche comme un bourgeon printanier.
Les mots, petits cailloux dissimulés dans l'herbe déjà haute – accrochés à des silences entremêlés de fleurs et de brindilles. Tout est mélangé – sens – odeurs – mots.
Ailleurs une passante chemine à travers la ville – le nez au vent – l'oreille aux aguets. Flânerie du soir ou promenade solitaire ?
Une voix enfantine traverse la rue. Petit pinson en quête d'une miette.
Les mots, comme les cailloux du Petit Poucet sur le chemin de nulle part. Ceux qui servent à ne pas se perdre – et ceux qui nous entraînent vers des rivages inconnus.
Un par ici – un par là – comme autant de souvenirs sur le chemin de la vie – vers un ailleurs inconnu commun à tous et connu par tous et pourtant toujours différé.
La peur de se perdre dans un monde sans autre limite que la nôtre – sans autre bruit que celui que l'on entend – où notre regard n'a pas d'autre fonction que nous dissimuler à celui de l'autre.
Mot-clé pour ouvrir cette porte inconnue du placard de Barbe Bleue. Mot usé – raboté – poli – à force d'être serré dans la main – au fond de la poche – à l'image du galet jeté sur la plage. Il est là – attendant d'être saisi – choisi – emporté et peut-être chéri. Peut-être deviendra-il le prénom caché d'un être cher. Ou le souvenir oublié d'une histoire jamais terminée et toujours imaginée comme le chant du vent dans le feuillage, le brise du soir, risée tremblante d'une lumière éteinte. Bruissement des élytres d'un insecte inconnu. Mot d'hier – mot d'aujourd'hui – vacarme lointain.