Planté là – sans mot – sans voix – dans un monde

Planté là – sans mot – sans voix – dans un monde sans but.
Échoué – bousculé – renversé – piétiné.
A grand fracas la vague noire a surgi. Les flots se sont creusés – encore une fois – une autre fois. Fin du monde ou fin d'un monde. Tout vacille. Tout se brise. Tout est aboli.
Pourquoi ce silence ? Doucement s'étend l'obscurité.
Demain le jour se lèvera  – peut-être.
L'homme aussi peut être immobilisé par ce qui le menace – lorsque les mots lui sont interdits. Le chemin se dérobe sous ses pas. Muet d'effroi et de douleur. Transformé en statue de sel à l'horizon de Gomorrhe.
La Terre brûle – la Terre tremble – l'eau menaçante – les flots dévastateurs – absurdité d'un monde sans arbre – d'un monde stérile – vanité – inanité.
Il n'est plus temps de pleurer – plus temps d'attendre – plus temps de vivre.
Le printemps s'en est allé avant d'avoir éclos. Les bourgeons se fanent. Les fleurs sont noires.
Fumées – flammes – fureur – désespoir – gémissements.
Quand donc le jour se lèvera... Quel horizon ? Quel espoir ?
Ce qui se passe ailleurs a lieu ici aussi – parce que la Terre est ronde – parce que tout est enfermé dans le plus petit brin d'herbe – parce que la vie est la même pour chacun – et mon impuissance est aussi la tienne.
Personne ne meurt seul – personne ne chante seul.
Il est des mots qui ne peuvent être dits.
Il est arrivé le temps du cauchemar – ce moment où seul parle le silence – où se mêlent le jour et la nuit – la terre et l'eau, l'air et le feu – le riche et le pauvre.
Ce jour sans lendemain – cette nuit sans fin.
Le vent de l'épouvante et des ténèbres.
J'espérais tant qu'il n'arrive jamais – pas encore, pas si tôt – pas maintenant.
Dehors se lève le vent – comme un grand souffle – un espoir ténu – un jour autre. Arrivera-t-il à chasser les miasmes qui obscurcissent l'horizon ? à nettoyer le ciel de ses impuretés ?
Annoncer une autre tempête encore plus meurtrière ?
Je n'ai plus de mots – plus de voix – plus d'amis – que la peur – le silence et la nuit.