Encore une fois – une autre fois – une seule fois

Encore une fois – une autre fois – une seule fois – comme si quelqu'un avait pu un jour... alors que rien n'aurait dû arriver – et que peut-être un jour.
Je n'en sais rien. Je n'y peux rien.
Je ne saurais pas le dire.
Les mots m'échappent – ils s'enfuient avant même que je puisse les saisir.
Peut-être n'y a-t-il plus de mots ? Plus rien – que des galets sur la plage – des pavés sur la place.
Le temps n'est plus de dire ou de ne pas dire.
Il est trop tard. Plus rien ne peut arriver ce soir. Ce qui s'écrit doit être dit.
Ce qui se dit ne peut s'écrire.
En fait, je crois que j'aimerais bien pouvoir dire quelque chose à quelqu'un. Lui dire ma joie, ma peine, mon espoir, mon histoire.
Il est si doux d'en parler – et puis enfin de se taire.
Arriver à ne plus avoir à dire – ne plus être forcé de dire – de chercher – d'inventer.
Ainsi de suite. A la rigueur.
Je ne sais plus qu'écrire – ni pouquoi – ni pour qui.
Je ne sais plus parler. Je ne sais plus non plus me taire. Je ne sais plus que bredouiller – courir après un mot, une image que je n'arrive pas à attraper.
Il était un soir – Il était un matin –
chaque jour – tous les jours –
Je sais que tout est à dire.
J'ai tout à vous dire – Je n'en sais rien.
Rien dit dans un au-delà de ce qui se dit.
Rester – partir – ne plus y être – ne plus en être – et alors, je pourrai peut-être vous raconter...
J'aime bien parler pour ne rien dire.
(ce n'est pas drôle du tout)
Sauf s'il était vrai qu'il existe quelque part des choses qui ne peuvent être dites – des choses qui ne peuvent être comprises – ni imaginées – dans un pays où les rêves seraient interdits – où il serait interdit de toucher – de voir – de sentir – un pays sans fleur – sans nuage – sans étoile.
Il s'écrit parfois de drôles de choses, un jour comme ça – sans crier gare – sans qu'on n'y prête plus d'attention qu'à autre chose – à moins que vous puissiez me dire enfin ce que je suis venu entendre, apprendre, recevoir et partager, en écoutant votre dire, vos mots, vos rêves.
Ainsi lorsque tombe la nuit c'est pour qu'advienne le jour – un autre jour – un autre matin et un autre soir.
Et pourtant maintenant il pleut...

Deville Chabrolle